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Vous avez dit Kenjutsu, Iaijutsu, Iaido ?

Le sabre n'est peut-être pas l'arme la plus ancienne du Japon mais il était la plus raffinée. Durant plusieurs siècles, il occupa une place prépondérante dans l'entraînement du Bushi. La forge et le travail du métal étaient familiers aux Japonais deux siècles au moins avant l'ère chrétienne.
Des sabres en fer ont été découverts dans des cryptes en pierre et des dolmens datant de la période Kofun-Bunka (de 400 avant Jésus-Christ à 700 après Jésus-Christ) et témoignent de l'avancement technique et artistique de la culture japonaise à cette époque.

La plupart des historiens s'accordent cependant pour dater du début du 8è siècle la forme et le style (appelé Nippon-To) de la lame. Une légende rapporte que cette évolution du sabre est due au travail d'un forgeron du nom d'Amakuni de la province de Yamato.

Le Nippon-to était appelé l'âme du Bushi, car il en était le symbole même. Le Bushi ne se séparait jamais de son sabre, il vivait et mourait par lui.

Nippon To

Le sabre reliait intimement son être tout entier à la question de vie et de mort ce qui l'obligeait à transcender la conception classique de la vie et de la mort. Cette lutte intérieure entraînait un changement d'attitude mentale appelé "Seishi O Choetsu" et donnait au sabre un double but: trancher toute opposition extérieure, et intérieurement, trancher l'ego du Bushi ce qui permettait l'éveil spirituel .
Le sabre en est arrivé à symboliser un certain nombre de qualités morales: loyauté, sacrifice de soi, sens de l'honneur, sincérité, justice et courage.

La forge du sabre évolua parallèlement aux différentes manières de l'utiliser, le nippon-to devint une des plus belles créations japonaises qui, liée à un art de combattre hautement élaboré, combinait beauté et utilité. La technique du sabre se divisait en deux parties essentielles: le Kenjutsu et le laijustsu. C'est à travers l'étude de ces deux pratiques qu'on peut comprendre le mieux l'esprit des Arts Martiaux.

Du 10è siècle (époque de Amakuni) au 19è siècle (1876 : Haitorei), on vit naître plus de 2.000 écoles (Ryu) de combat au sabre (Kenjutsu) originales dans leurs principes et leurs théories et plus de 400 écoles différentes enseignant l'art de dégainer le sabre en coupant (lai Jutsu).

A première vue, ces chiffres peuvent paraître exagérés, mais il faut se souvenir que de nombreuses écoles n'avaient qu'une durée limitée et que beaucoup d'autres n'étaient que les ramifications d'une branche maîtresse. A cette époque, toute méthode qui ne s'averait pas efficace au combat était rapidement abandonnée.
Dans les arts martiaux japonais, les terminaisons en "Do'' caractérisent des disciplines dont l'objectif est de développer l'individu (physique + psychisme) alors que les formes en "Jutsu'' caractérisent des disciplines dont l'objectif principal est la pratique guerrière.

Le Kenjutsu est ainsi une escrime préparatoire à la guerre.
L'objectif du Kenjutsu est la victoire sur l'adversaire en combat réel; alors que l'objectif principal du Iaido est avant tout de remporter la victoire ... sur soi-même .

Le Kenjutsu, c'est l'art de manier le sabre lorsqu'il est déjà retiré du fourreau. C'est à proprement parlé, l'art du sabre. Cette pratique était considérée comme la plus importante, aussi, le Bushi y concentrait-il l'essentiel de son attention et de son effort. Le Kenjutsu, selon la mode de l'époque ou les conceptions philosophiques et politiques inhérentes à certains écoles, prit différents noms au cours de son histoire: Heiho, Kenpo, Toho, Gekken, Hyoho, Tojutsu, Tachiuchi, Hyodo, etc... Mais, le plus couramment, on applique, à l'art du sabre classique, le nom de Kenjutsu.

Les pratiquants du Kenjutsu utilisent habituellement à l'entraînement le Bokken (sabre en bois), mais aussi et surtout le Katana (sabre en acier) afin de mieux ressentir les techniques de taille et de coupe.

Bokken


Le laiJutsu, c'est l'art de dégainer et couper d'un seul geste. Grâce à la rapidité avec
laquelle-il permettait de porter une attaque, le laï-Jutsu réussit à occuper une place
importante de l'escrime bien que secondaire par rapport au KenJutsu.
On s'accorde à penser aujourd'hui que le développement du lai ou Batto-Jutsu est à mettre au compte
de Hayashizaki Jinsuke Shigenobu

Ce n'est qu'au 20è siècle que l'on commença à utiliser le terme laido et que cet art fut considéré comme une discipline spécifique au sein des autres Budo.
Jusqu'alors les termes les plus couramment utilisés était lai-Jutsu ou Batto-Jutsu. La différence est essentielle. En lai-Jutsu prime l'efficacité combattive, en lai-do c'est le développement spirituel et moral qui prend une place prépondérante.

IAIDO

 

Les Dojo et associations de Iaido correspondantes, sont le plus souvent affiliés via leur fédération nationale à la Fédération Internationale de Kendo (IKF), qui émane elle-même du Zen-Nippon Kendo Renmei (ZNKR, la fédération japonaise de Kendo).

En Europe, les fédérations nationales sont affiliées à E.K.F. (European Kendo Federation).
E.K.F. organise en particulier les championnats d'Europe de Iaido, qui ont lieu tous les ans.

En France, le Iaido est une discipline rattachée à la Fédération Française de Judo, Ju-jitsu, Kendo et Disciplines Associées (FFJDA).
Au sein de la FFJDA, c'est le Comité National de Kendo (CNK) qui gère les cinq disciplines: Kendo, Iaido, Naginata, Jodo, Sport-Chanbara


Alors? Kenjutsu, Iaido, Kendo, inséparables ?

On peut résumer toute la discipline du sabre en 3 étapes, qui dans une pratique idéale devraient être inséparables:

Le Ken-Jutsu

Par sa pratique, l'étudiant assimile l'aspect purement stratégique et technique du combat au sabre, sous la forme de Kata, permettant ainsi l'assimilation des postures, de l'équilibre, de la concentration ventrale et du contrôle de la respiration, des enchaînements, etc …
L'importance est donnée à l'efficacité dans cette pratique. On insiste donc sur la coordination du corps et de la respiration. Il va sans dire qu'une ascèse rigoureuse accompagne le pratiquant pendant l'entraînement … et en dehors.
Le Ken-Jutsu permet entre autres, une parfaite maîtrise de son corps et l'acquisition de qualités de caractère telles que : la patience, l'endurance, la persévérance, le courage, la modestie, l'humilité, l'esprit de groupe. Sur le plan mental, le Ken-Jutsu reste très attaché à l'esprit Shinto, à ses règles d'honneur, et à sa dévotion aux forces de la nature.

Le Iaido

Vient ensuite le Iaido, la voie du sabre, où le pratiquant apprend à utiliser un véritable Katana (en réalité dans un premier temps et par sécurité, un Iaito). L'entraînement est par nature plus solitaire. Il s'agit d'acquérrir une parfaite maîtrise de ses émotions et de son mental. D'autres sens vont se développer parallèlement, comme l'esthétisme, l'intuition, la vitalité.

La pratique mentale vise à atteindre cet état de conscience appelé Mushin ( vide mental, vacuité).
Le pratiquant parvient à cet état en répétant inlassablement des Kata assis ou debout. Etant seul, le pratiquant doit visualiser des conditions d'attaque de telle sorte que ses parades et ripostes deviennent des réalités et qu'en quelques instants de concentration toutes les sensations prevenant de l'extérieur (autres pratiquants, bruits divers, chaleur, froid, …) disparaîssent.
La séquence de Iaido est toujours être précédée d'un "rituel" dont le but est précisément de mettre le mental en condition de parfait apaisement et de réceptivité par la sensation d'"être" (Ushin), pour finalement attendre dans le vide mental absolu (Mushin) le geste agressif de l'adversaire.
C'est lorsque la raison ne raisonne plus et que toute pensée est mise au silence qu'apparaît ce "saint-grâle" des arts-martiaux: l'état d'esprit Mushin.

Le mental du pratiquant de Iaido est surtout influencé par l'esprit Zen. Le Zen était à l'époque des Samurai, enseigné comme une pratique indispensable à l'art du sabre. Il permettait aux soldats de vaincre la peur de la mort. Il développait l'intuition pour percevoir les attaques. On retrouve cette attitude Zen de "non-pensée" (Mushin) dans l'enseignement de Miyamoto MUSASHI, fondateur de l'école Nitoryu (Ecole des 2 sabres). L'une des attitudes mentales les plus propices à vaincre était appelée Fudoshin, et consistait à garder un esprit calme et serein face aux situations les plus désespérées.


Le Kendo

Du fait des protections portées par les pratiquants, le Kendo permet des assauts libres et engagés, car la crainte de blesser un partenaire (ou d'être blessé par lui) est absente, toute forme de brûtalité étant rejetée. Cela rend possible et favorise l'harmonisation de son esprit à celui de l'adversaire ainsi que l'anticipation de ses attaques, ce qui est plus difficile en Ken-Jutsu.

Les affrontements rapides et puissants sont toujours précédés et suivis de Kiai, cris permettant la libération de du Ki (l'energie) lors d'une attaque où toutes les forces physiques et mentales sont réquisitionnées dans la réalisation de l'action. Le Ki qui est développé dans le Iaido, est manifesté plus clairement dans le Kendo.

La vitesse des assauts ne laisse que peu de place au raisonnement: il convient uniquement de préssentir/ressentir l'instant ou l'adversaire offre une opportunité d'attaque, une ouverture, que celle-ci soit physique ou mentale. C'est dans cet instant fugace, "volatile", que réside l'essence du DO, qui permet au pratiquant par une expérimentation directe, de parvenir à la réalité de la vacuité et de réaliser cette extraordinaire perception intérieure.

(Référence bibliographique: " IAIDO, ou l'art de trancher l'ego" de Michel COQUET, éditions "l'or du temps", 1987. ISBN 2-904112-11-1)

Vous avez dit Muso Shinden Ryu ?

Le fondateur de ce que l'on appelle aujourd'hui Muso Shinden Ryu s'appelait Hojo Jinsuke Shigenobu ou encore HAYASHIZAKI Jinsuke Shigenobu.
Il naquit vers le milieu du 16eme Siècle et étudia intensivement l'art du sabre, approximativement de 1596 à 1601.
Il mit au point une série de technique de lai qu'il appela Batto-Jutsu et qui prirent, selon les époques, différents noms: Junpaku den, Hayashizaki Ryu, Shin Muso Hayashizaki Ryu, Shigenobu Ryu, etc...
Les techniques exactes qu'il enseignait restent aussi obscures que sa propre vie mais on s'accorde le plus souvent à penser qu'elles étaient relativement simples, pratiques et très adaptées au combat.
Sous son influence de nombreuses Ryu (écoles de lai) prirent naissance.

Après sa mort, la tradition du Shin Muso Hayashizaki Ryu fut perpétuée par Narimasa TAMIYA qui fut le professeur de leyasu, Hidetada et lemitsu TOKUGAWA . Ce fait contribua très certainement à la popularité de ce style.

Le 7 è Sokei fut HASEGAWA. II étudia Hayashizaki Ryu sous la direction de NOBUSADA, à Edo, durant la période Kyoho (1716-1735) et fut très réputé pour sa maîtrise dans l'art du sabre.
II fit évoluer de nombreuses techniques et mit au point, dit-on, l'art de dégainer une arme dont le tranchant est tourné vers le haut. De retour dans sa province, il donna à son style le nom de Muso Jikiden Eishin Ryu. II s'y est conservé jusqu'à nos jours.

Muso Shinden

Le 9è Sokei, Morimasa HAYASHI Rokudayu , était le vassal de Toyamasa YAMANUCHI , 4è Hanshu, gouverneur de province. II étudia, durant son séjour à Edo, le Eishin Ryu, sous la direction de Seitatsu ARAI , et suivit simultanément l'école Shinkage Ryu sous la direction de Masamitsu OMORI . Ce dernier avait mis au point une méthode de lai se pratiquant dans la position seiza.
II l'enseigna à Morimasa HAYASHI qui, plus tard, l'intégra dans le Muso Jikiden Eishin Ryu. C'est ce que nous appelons aujourd'hui Shoden Omori Ryu.

Après l'enseignement du 11è Sokei, un schisme se développa qui donna naissance à deux branches: Shimomura-ha et Tanimura-ha.

Le 16è Sokei du Shimomura-ha fut Hakudo NAKAYAMA. II étudia Muso Jikiden Eishin Ryu, dans la province de Tosa, sous la direction de Yoshimasa HOSOKAWA, 15è Sokei (Shimomura-ha) et sous celle de Tokumi MORIMOTO , 17è Sokei (Tanimura-ha).
En 1933, il donna à son enseignement le nom de Muso Shinden Ryu, dont la popularité ne fit que croître grâce à ses efforts perpétuels et au travail et dévouement de ses disciples.


Vous avez dit Omori Ryu ?

C'est la série de Kata la plus élémentaire du MUSO SHINDEN RYU, qui en comporte trois de difficulté croissante.

Omori Ryu

On l'appelle aussi Shoden (Sho = commencement, Den = initiation). II comporte douze mouvements correspondant chacun à des situations possibles de combat.

1
Shohatto
2
Sato
3
Uto
4
Atarito
5
Inyo
Shintai
6
Ryuto
7
Junto
8
Gyakuto
9
Seichuto
10
Koranto
11
Gyakute
Inyo
Shintai
12
Batto


Lors de l'étude des kata , il est essentiel de comprendre que le progrès passe, non pas par la mémorisation mécanique de "figures", mais par la compréhension profonde de l'essence même des formes extérieures.

Les kata sont conçus et mis au point par des experts qui réussissent à assembler différents aspects en une forme concentrée. Une pratique correcte doit permettre d'atteindre un "état d'être" semblable à celui qui présida à la création du kata et ce, tant au niveau du corps, qu'à ceux de la technique et du mental.
La perfection extérieure n'est pas toujours signe de la qualité intérieure. Bien diriger sa pratique et ne pas mesurer ses efforts : voilà ce qui est essentiel pour l'élève.

Chaque kata représente une situation hautement idéalisée et hypothétiquement parfaite mais de laquelle, avec certains changements spontanés nés de l'esprit ... et de beaucoup d'heures de travail ..., la réponse ou la solution à beaucoup de situations réelles et différentes ressortira naturellement et instinctivement, libre alors de toute compréhension superficielle, mécanique et intellectuelle.

Ce serait une erreur de penser qu'Omori-Ryu n'est qu'un travail pour débutants. Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Les experts disent parfois que celui qui saurait exécuter parfaitement Shohatto serait un maître !